mardi 22 octobre 2013

La Passe-miroir, tome 1 : les Fiancés de l’hiver – C.Dalbos – 528 p. - Gallimard jeunesse – 2013 – 18 €


Dans un monde post-apocalyptique, Ophélie est une jeune conservatrice d'un musée bien étrange. Ce lieu abrite les objets et les reliques de notre monde actuel. Les habitants de ce monde nouveau apprécient de découvrir ce qu'était notre civilisation au XXIème siècle avant la grande Déchirure qui a éclaté la Terre en milliers d'ilots. Ces néo-terriens appartiennent à des castes issues des survivants de la grande explosion. Ces survivants immortels sont les Esprits de famille. Ils sont adorés comme des Dieux. Chacun transmet un don à toute la génération qu'il a engendrée. Il y a les Illusionnistes, les Animistes, les Dragons, les Nihilistes … Chaque famille reste donc sur son ilot suspendu. Les habitants sont issus des mêmes ancêtres et sont donc tous plus ou moins cousins. Ophélie vit sur Anima et connaît presque tous les résidents de sa cité. Elle a hérité du don de « liseuse », c'est à dire qu'elle peut « lire » le passé des objets en les effleurant avec les doigts. Elle a aussi la capacité de traverser les miroirs pour se rendre là où elle le souhaite. Malgré ses talents prodigieux, Ophélie n'est pas une héroïne du quotidien. Elle est maladroite, taciturne et très timide. Elle ne côtoie pas les jeunes filles de son âge car Ophélie ne s'intéresse ni à la mode, ni aux hommes, ni à la maternité. Elle désespère les membres de sa famille en refusant tous les prétendants qui ont demandé sa main. Malheureusement, les Doyennes de la famille en ont décidé autrement et Ophélie est envoyée au Pôle, dans une contrée sauvage et étrange, la Citacielle. Son fiancé, Thorn, est le grand Intendant de cette cité aux moeurs décalées et aux coutumes qui semblent barbares. Avec ses bras tatoués et son statut de bâtard au sein de la tribu des Dragons, il effraie Ophélie dès leur première rencontre. Sous prétexte de la mettre à l’abri de la férocité de certains membres de sa famille, il la confie à sa tante Berenilde dès leur arrivée à la Citacielle. Caché et tenue au secret dans un palais, Ophélie ne peut compter que sur son chaperon, sa Tante Roseline. Veuve et sans enfant, elle est loin de tenir le rôle de confidente et ressemble plus à la vieille tante complètement gâteuse et originale qui existe malheureusement dans toutes les familles quels que soient l'époque ou le pays  … (Malgré ce portrait bien peu engageant de ma part, j'ai une tendresse particulière pour ce personnage car la tante Roseline a le don de réparer le papier et particulièrement les livres en apposant ses mains sur les déchirures ! Elle est peut-être la documentaliste des premiers siècles post-explosion ! Je suis son ancêtre) Dès leur première rencontre, Ophélie et Thorn comprennent que ce mariage forcé va être difficile à honorer. Ils n'ont aucun goût commun, ils ne partagent rien à part le mépris et l'incompréhension. Ils n'arrivent même pas à communiquer l'un avec l'autre sans créer des quiproquos, des malentendus et des blessures irrémédiables. Ils se détestent, s'évitent mais ils ne peuvent briser cette alliance sans craindre pour leurs vies et la réputation de leurs familles. Effectivement ce mariage n'est rien d'autre qu'une alliance politique ! Ce roman est un roman de fantasy dans une ambiance surannée qui rappelle la Belle Epoque ! Ophélie est une héroïne touchante dont le personnage s’étoffe au fur et à mesure du roman et des passages introspectifs. Les personnages secondaires sont eux aussi complètement envoûtants qu’ils soient les alliés ou les ennemis de le jeune Ophélie. Le suspens est mené avec efficacité. Ce monde post-apocalyptique est saisissant par son originalité. L’onirisme et les jeux de faux-semblants permettent de nombreuses hypothèses de lecture et donnent réellement envie de lire la suite du roman dont l’auteur, Christelle Dalbos promet la publication dans quelques mois. J’ai apprécié les clins d’œil de l’auteur à de nombreux héros de la littérature comme Alice au Pays des Merveilles, Cendrillon, Lyra des Royaumes du Nord et bien d’autres encore et notamment en littérature générale comme le Passe-Muraille de Marcel Aymé et l’Ecume des jours de Boris Vian. J’avoue que ce roman copieux m’a calée plusieurs soirs. Je le conseille donc aux lecteurs pagivores, livrophages qui aiment les ouvrages volumineux et apprécient les histoires qui ne se plient pas en un claquement de doigt ! Dès 12 ans.

Ce roman a remporté le Prix du roman jeunesse RTL-Gallimard-Télérama en juin 2013. Si vous souhaitez découvrir le site du roman ici et la présentation de Télérama .