dimanche 20 octobre 2013

La Nuit des cages – Rascal/S.Hureau – 35 p. - Didier Jeunesse – 2007 – 13 €


Dans un passé ténébreux ou dans un monde qui ressemblerait au nôtre il y a longtemps, un jeune ogre est mis en cage par des soldats. A cette époque et dans cette contrée étrange, on croit à l’adage « Tel père, tel fils ». On emprisonne donc le fils pour qu’il ne commette pas les ravages de son père, l’ogre Morillon. Malgré les explications et les lamentations de sa mère, il est emmené en pleine nuit. Afin de ne pas finir pendu comme son père, il profite de l’obscurité pour se faufiler entre les barreaux. Il court à perdre haleine au cœur de la forêt pour échapper aux soldats qui le talonnent. Mais bientôt sonnent le tintement de la crécelle et la mélodie du basson dans la plaine. Caché dans les fourrés, le jeune ogre aperçoit une curieuse procession composée d’êtres étranges : nains, haridelles, mendiants, califes, bouffons …. Leur chant raconte leur mésaventure, ils étaient cent vaillants soldats qui aux douze coups de minuit ont été transformés en rats, chiens et doryphores par une terrible sorcière. Ivres de vengeance, ils ont réussi à attraper la fille de la magicienne qu’ils veulent brûler vive sur un grand bûcher. A la vue de la jeune fille en cage, le cœur du jeune ogre bat la chamade et par esprit de solidarité et peut-être un peu plus, il profite, de la pagaille engendrée par la rencontre des soldats et de l’étrange procession, pour libérer la belle et jeune sorcière. L’amour leur fait pousser des ailes. Ils échappent à leurs poursuivants et trouvent refuge dans une grotte au coeur de la forêt où leur amour dure depuis de nombreuses années. Leurs enfants sont trois petits êtres ailés mais seront-ils ogres ou sorcières ? Le récit est savoureux. Le texte est ciselé et les rimes sont un plaisir à lire et à entendre. Le vocabulaire moyenâgeux est pertinent. Le thème de la filiation et des préjugés est savamment travaillé tout au long de l’album. Les illustrations présentées comme un théâtre d’ombres chinoises sont très originales. Noir sur fond blanc, elles permettent toutes les interprétations. De multiples détails anachroniques ou burlesques sont à débusquer comme des casques de samouraïs pour les soldats, des trottinettes, un appareil photo, un camescope, un serpent en laisse, un varan magicien, des tortues voltigeuses et bien d’autres encore. La faune et la flore sont des éléments majeurs de ce récit graphique. Ils sont les témoins de la folie meurtrière des hommes. D’ailleurs dans cet album, les ailes de papillon sont des yeux ! La graphie est raffinée. Les lettrines sont magnifiques. Cet album très élaboré utilise le merveilleux pour traiter de problèmes sociaux d’actualité ! Original et jubilatoire. Dès 8 ans.