lundi 23 septembre 2013

J'aime pas le lundi – J.Lambert/ill.S.Bravi – 112 p. - Ecole des loisirs – 2010 – 8.70 €

Le cocktail littéraire de ce roman est imparable : jeune homme + adolescence + émois amoureux. Avec cette formule, vous pouvez tomber sur des romans insipides, monotones ou carrément barbants. « Je suis un adolescent, je suis en pleine crise existentielle, le collège ne m'intéresse pas mais les filles oui. Hélas je n'ai pas le mode d'emploi de la gent féminine et encore moins celui de la vie qui m'attend ». (Ces livres existent aussi en romans pour filles !). En général, ces romans me tombent des mains. Ils glissent le long de ma couette et je les retrouve quelques mois plus tard, croûtés de poussière, oubliés sous Sultan (oui mon matelas a un nom !). J'ai confiance dans l'école des loisirs, j'appréciais la couverture de Soledad Bravi alors je l'ai acheté ! J'avoue qu'il est resté quelques semaines dans ma PAL. Il a souvent changé de pile passant successivement de la « Pile A Lire tout de suite pour la chronique 7 » à la « Pile Après les Vacances » jusqu'à la pile « AntiDisettelittéraire » (en vrai mon lit est entouré d'une muraille de piles thématiques, certaines dorment bien avec Dora comme ange gardien !). En février, je me suis mélangé les pinceaux et ma commande n'était pas prête chez le libraire. Je suis rentrée ronchon et malheureuse comme les pierres. Ce soir là, j'ai attaqué la pile « AntiDisetteLittéraire ». J'aime pas le lundi était le premier. Cric, crac, dévoré en un soir ! J'ai adoré ce livre ! Je me suis régalée de chacune des pages. Il fait vraiment partie de mes gros coups de coeur de ce début d'année. Lucien a 13 ans. Il n'aime pas l'école. La vie est pour lui une suite de brutalités quotidiennes : le réveil, le petit-déjeuner, le collège, les cours et même les relations avec ses camarades. Il trouve que tout va trop vite pour lui. Lucien a besoin de temps pour digérer le monde qui l'entoure. Il a besoin de calme pour rester en équilibre. Le collège, ses rythmes et ses cavalcades sont des tortures En ce lundi matin triste et morne, puni en permanence, il tente de dresser une liste exhaustive de tout ce qui le dégoûte, le brusque et l'ennuie. Il n'aime pas ses camarades de classe. Il n'aime pas les profs. Il n'aime pas la littérature classique. Il n'aime pas la télé. Il n'aime pas saigner du nez. Il n'aime pas mais pas du tout les endives au jambon ...Au bout de quelques minutes, sa listographie du j'aime pas est très longue. Ce brainstorming occupe tellement ses méninges qu'il ne fait pas attention aux autres élèves dans le couloir. Pris dans une bousculade, il est propulsé sur Fatou, une jeune fille du collège. Une jeune fille, non, la jeune fille du collège. La star, la fille influente ! La rencontre est explosive et Lucien n'est pas prêt de s'en remettre ! Ce roman est un beau récit d'adolescence. L'écriture est fluide. Le rythme resserré incite à une lecture rapide mais néanmoins riche et féconde. Les thèmes de l'adolescence, de l'altérité, de l'amour sont menés sans facilité mais avec talent. La lucidité de Lucien sur son comportement lymphatique et détestable est désopilant. A cet âge du «j'ai 1240 amis », Lucien a un seul et unique ami : Croûton, son ami d'enfance. Vous imaginez bien qu'avec un surnom comme celui-là, le personnage vaut le détour. De sa rencontre avec Fatou, qui est son opposé en tout, Lucien va grandir et s'ouvrir au monde. Il va découvrir que la vie peut offrir de beaux moments quand on sort un peu de sa coquille. Ce roman permet d'aborder l'amour sous de nombreuses formes. Tout d'abord l'amour naissant de Lucien, son lien d'amitié avec Basile (Croûton), son regard sur l'amour au long cours de ses parents (sic !), l'amour qu'il porte à sa grand-mère extravagante et enfin les liens familiaux intenses qu'ils découvrent au domicile de Fatou. Lucien est même attaché à une icône : le portrait d'une peintre méconnue du XVIIIème qui orne la sinistre entrée du collège qui porte son nom. J'accorde une mention spéciale à l'idée de génie développée dans ce roman : l'Education nationale devrait passer un accord avec les fabricants de céréales afin que les emballages affichent les classiques littéraires en épisode. C'est vrai, je le remarque avec mes enfants : au lever, les yeux des enfants scotchent systématiquement sur les indications des produits du petit déjeuner. Ils me lisent quotidiennement et à tour de rôle les mentions et les jeux Crococrip's ou les vertus du jus d'orange le matin. Lucien a raison ! Le matin, les estomacs et les cerveaux ont faim ! Ce roman est du bonheur en page. Il est à partager en famille sans modération à partir de 12 ans. Maudit mardi est attendu avec impatience par GrandGrand et moi, il va y avoir du fight !