lundi 23 septembre 2013

A copier 100 fois – A.Dole – 56 p. - Sarbacane – 2012 – 6 €

 Le seul défaut de ce très court roman, c'est que le héros n'a pas de nom ! Je comprends bien l'effet recherché de d’identification : n'être personne, c'est être tout le monde mais qu'il est difficile de présenter un héros sans nom. Il a 13 ans. Il est le souffre-douleur d'une bande de gros bras du collège. Chaque jour, il subit leurs humiliations et leurs coups. Il a beau essayer de se fondre dans le décor, de se réfugier dans les couloirs, Vincent, Laurent ou Julien le retrouvent toujours pour lui faire mordre la poussière. Battu depuis des mois, notre jeune héros s'habitue aux coups, son corps et son mental s'endurcissent. Il sait qu'il faut juste serrer les dents et attendre que le mauvais moment passe. Il se répète les conseils de son père mais il n'arrive pas à s'imposer. Il s'écrase. Il est incapable de riposter. Malgré les humiliations de ses camarades-tortionnaires, il souffre surtout du comportement de son père dont il attend soutien et protection. Veuf depuis quelques années, ce père, taciturne, n'arrive pas à communiquer avec son fils. Il a honte de lui. Il ne le reconnaît pas comme sien. Son fils est différent. Il sait qu’il est homosexuel mais il n'arrive pas à surmonter la honte qu'il ressent. Il pense que son fils doit s'endurcir pour rentrer dans le monde des hommes. Il essaie de lui inculquer les usages de la virilité. Cet homme un peu rigide tente d'insuffler à son fils les ficelles de la loi du Talion. Il croit que son fils changera ...qu'il sera comme lui un jour. Ce couple père-fils est dans une impasse relationnelle. Ils ne communiquent plus, ils s'évitent. Après une semaine particulièrement éprouvante, le jeune héros essuie une nouvelle volée de coups. Malgré le soutien de sa meilleure amie Sarah, il rentre chez lui effondré. Sa détresse est intense. Il faut qu'il exprime ce qu'il a sur le coeur et dans le ventre. Il est à bout et son père va devoir le regarder en face et admettre la vérité. Ce roman se lit d'une traite. J'ai eu peur pendant 56 pages. Une lecture en apnée qui laisse une trace indélébile. On ressent une telle détresse à la lecture des pensées du héros que j'avais les larmes aux yeux. Ce jeune homme attend juste que son père le reconnaisse comme son fils malgré sa différence, son orientation, ce qui fait qu'il est lui ! Il a raison quand il dit que « le monde cogne, le monde heurte, c'est celui dont on avait peur la nuit quand on était petits. Quand ma mère me disait que les monstres n'existaient pas, que fallait pas avoir peu, c'était pas vrai Sarah. Ces montres-là, ils existent, moi j'en ai rencontré. On s'y fait et c'est le pire, on s'habitue à tout. ». Dans ce très court roman, Antoine Dole aborde des thèmes difficiles et délicats avec force et talent. Prenez votre souffle avant car ce roman secoue !