lundi 21 octobre 2013

Le Masque – S.Servant/I.Green – 40 p. - Didier Jeunesse – 2011 – 14 €


Petit Frère a trouvé LE masque au coin de la rue. Ce masque blanc est tout simple. Il ne comporte aucune décoration. Mais il donne le pouvoir de se transformer en n’importe quel animal. Petit Frère est aux anges. Il l’enfile et le voilà devenu ouistiti pour s’amuser et plaire aux filles du square. Ainsi transformé, Petit Frère se donne le droit de les embrasser. Les baisers volés ne sont pas du goût des demoiselles. Elles repoussent vigoureusement ce petit singe chapardeur. Afin d’épater les copains, Petit Frère se transforme en ours. Malheureusement emporté par sa force, il essaie de commander et ses camarades le chassent. Tant de refus blessent l’enfant masqué. Il se transforme alors en loup. Ce loup est gigantesque, il a des dents jaunes et des yeux rouges terrifiants. Affamé, Petit Frère veut rentrer chez lui. Mais ses parents ne le reconnaissent pas et lui interdisent l’accès à la maison. Malgré ses efforts pour l’ôter, le masque reste mystérieusement collé à son visage. Petit Frère a peur. Petit Frère est seul. Abandonné par tous, il se métamorphose en chien errant. Il se réfugie près d’une voie ferrée pour se cacher et pour pleurer en secret. A la nuit tombée, sa grande sœur vient le réconforter et lui prodiguer caresses, câlins … Peut-être détient-elle le secret pour briser le sort qui emprisonne Petit Frère ? Cet album est très bien orchestré. Tout d’abord, le récit, dont le héros nommé Petit Frère sous-entend la présence et la bienveillance d’un aîné, est construit habilement. La tension monte peu à peu jusqu’au dénouement final qui est vécu comme une libération. Comme le veut la tradition du conte, le Masque invite à la réflexion et à l’analyse. Sans être écrite, la morale se devine à la dernière page. J’apprécie néanmoins que l’auteur laisse à chacun la liberté de formuler la morale qui lui convient. En lisant, de nombreux clins d’œil aux contes sont d’ailleurs à découvrir comme le Loup et les sept chevreaux, le Petit Chaperon rouge et Hansel et Gretel. Le narrateur « Grande Sœur » permet de dédramatiser les aventures de l’enfant animal. Effectivement, Le petit garçon tout doux du début de l’album devient un loup sauvage qu’on imagine féroce. Il est rejeté par ses amis et même par ses parents. Il n’est plus reconnu par les siens. Cet album donne vie et sens aux peurs enfantines les plus terrifiantes. J’y ai vu aussi une belle allégorie de l’enfant qui se construit et qui passe par des stades et des essais de personnalité. J’y ai aussi lu une allusion à la colère. Lorsque l’enfant est en colère, il est hors de lui, il est méconnaissable même par ses proches. Il faut attendre que la colère passe, que l’enfant se recentre et dompte ses émotions. (Je vais peut-être le lire chaque soir à PetitPetit comme une prière ou comme un traité d’éducation !). Les thèmes abordés sont forts : la colère, le pouvoir, la peur, l’abandon et la solitude. Les relations fraternelles sont mises à l’honneur. L’amour et la confiance de Grande Sœur dépassent l’amour parental et permettent à Petit Frère de réintégrer son corps et de dompter la bête qui sommeille en lui comme en chacun de nous. Les métamorphoses physiques mais aussi émotionnelles de Petit Frère sont impressionnantes. Visuellement ces transformations sont tout aussi intenses. Les proportions sont travaillées et permettent à la peur de prendre toute la page. Si l’enfant-animal est effrayant, les décors et les couleurs utilisées sont chatoyants et ne peuvent laisser présager qu’une fin douce et calme. J’ai lu cet album avant de le lire à MoyenMoyen. Je n’étais pas sûre qu’il aimerait cette histoire. Effectivement, il m’a dit « Ca fait un peu peur là ! Les yeux du loup, y’sont très rouges et il est très grand ». Je crois que cet album est à réserver aux enfants qui aiment les sensations fortes. Dès 6 ans.