lundi 30 septembre 2013

Un obus dans le cœur – W.Mouawad – 74 p. - Actes Sud Junior – 2007 – 7.80 €

Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à une représentation des pièces de Wadji Mouawad mais depuis que j'ai vu Littoral, j'essaie de lire toutes ses pièces. Vous dire que cette prédilection est une tâche difficile, est une évidence. Lire ces textes sans le soutien des représentations est presque impossible. J'aimerais amener mes élèves à s'intéresser à ce dramaturge et à sa vision du théâtre. Malgré mes achats et mes coups de coeur au CDI, les tomes du Sang des promesses restent sur leurs étagères. Depuis que j'ai découvert ce livre, je pense avoir trouvé l'ouvrage passerelle pour initier mes élèves à l'art de Mouawad. Un obus dans le coeur est tiré du roman Visage retrouvé du même auteur. Ce texte est destiné à être lu à haute voix. Comme l'exige cette collection, un Obus dans le coeur est un texte à dire, à crier ou à réciter comme une litanie pour éloigner le mal. Il peut aussi être une prière intime mais néanmoins universelle à genou devant les blessures de l'enfance. Wahab est un jeune artiste peintre qui prépare un vernissage dans quelques jours. Appelé par son frère en pleine nuit pour veiller sur les dernières heures de leur mère, Wahab se rend à l'hôpital la rage au ventre. Il ne se sent pas concerné par cette mort. La femme étendue dans ce lit n'est pas sa mère. Il a perdu sa mère le jour de ses quatorze ans. Du jour au lendemain, il n'a pas reconnu celle qui lui manque chaque jour maintenant. Elle a été remplacée par une chimère qui râle aujourd'hui dans ce lit anonyme sous le regard de tous les membres de la famille. Une chimère que Wahab reconnaît maintenant. Elle a accompagné son enfance et son adolescence. Ce monstre est la guerre, la peur et la maladie. Elle est la somme de toutes les atrocités du monde. Debout, poings serrés, Wahab doit la combattre. Comme tous les textes que je connais de cet auteur, je ne suis jamais sûre de bien comprendre … Je doute ! Son écriture laisse tellement de place à l'interprétation que chaque lecteur en a une version différente et personnelle. La guerre, la mort, les difficultés de la filiation sont les thèmes fondateurs de la dramaturgie de l'auteur, cet opuscule rassemble tous ces thèmes. Ce démon du jeune Wahab peut être envisagé comme la guerre, comme la fin de l'enfance, comme l'image de la mère. Je n'ai pas de réponse mais j'ai éprouvé toute la violence de ce texte, toute la colère de Wahab. Ce récit destiné à être lu détient toute la puissance évocatrice de l'écrit, mêlé au potentiel suggestif de la voix. A lire dans un souffle ou à hurler aux vents dès 15 ans.
Rencontre avec W.Mouawad : Théâtre : ici !